Se libérer de la dépression maternelle

J’ai toujours été d’une humeur dépressive. Entre mon enfance douloureuse et mon adolescence compliquée, j’ai parfois du mal à être tout simplement heureuse. Aux premiers abords, les gens pensent que je suis une fille lisse, plate, avec une vie sans trop de soucis. Cela doit être parce que j’ai un visage juvénile, que je suis un peu timide au début et que je montre toujours que tout va bien. C’est un peu ma recette d’auto protection.

Mais depuis 2 ans, je souffre de dépression. 

Je sens que je commence à être soignée car j’arrive à nouveau à réfléchir, et je ressens l’envie d’en parler autour de moi. Je n’en ai pas honte, je l’ai acceptée et j’en ai fait ma force, et je pense que c’est ainsi que j’ai réussi à marcher sur le chemin de la guérison.

Mon idéal de vie d’avant

“Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants”

Les contes de fées

Les contes de princesse ont bercé toute mon enfance et mon adolescence. La conclusion qu’a fait inconsciemment mon esprit était qu’il suffisait d’avoir une famille et des enfants pour être heureux. Je pense tout simplement qu’il me manquait de maturité pour comprendre ces contes dans leur ensemble, et prendre du recul.

Vers la désillusion… et la dépression

Comme je le souhaitais, j’ai eu mes enfants jeune (enfin, jeune selon la société). Je pensais que la maternité était une fin en soi et j’ai tout donné pour mes filles. Je me suis énormément investis dans leur éducation et dans la recherche et la lecture sur la parentalité, jusqu’à m’oublier en tant que personne. Je me rappelle m’être épuisée en utilisant toutes mes forces pour allaiter exclusivement ma fille tout en reprenant le travail. Je m’étais mis une pression énorme car je ne voulais pas échouer, et je voulais d’une certaine manière me faire pardonner de cette dernière grossesse difficile où je n’ai pas donné autant d’amour que je l’aurai voulu.

J’ai toujours été quelqu’un de passionnée avec pleins de projets en tête, mais petit à petit j’ai fini par ne plus rien faire. A vrai dire, le seul projet que j’avais était ce blog, ce qui me maintenait la tête hors de l’eau. C’est lorsque j’ai arrêté d’écrire ici suite à un petit coup de déprime plus forts que les autres que j’ai sombré dans les tréfonds de la dépression.

L’isolement était devenu mon nouvel ami. Je ne voulais plus voir personne car je m’effrayais moi-même et je n’arrivais pas à dire ce qu’il se passait à l’intérieur de moi. J’en voulais à tout le monde, mais j’en voulais surtout à moi-même. J’éprouvais une grande culpabilité pour tout et n’importe quoi, de ma plus petite enfance au présent. Je vivais mes journées comme un robot : je levais mes filles, je les emmenais à la crèche, je bossais, je récupérais mes filles, je les couchais, et je me zombifiais devant la télé avec une émission sans intérêt.

Quand tu comprends que tu n’es plus comme avant

Ma vie était tristesse. Je ne vivais plus, je la subissais, je survivais. J’accomplissais les objectifs indispensables de la journée, et j’essayais de tenir comme je pouvais en souffrant d’angoisses en tous genres.

Jusqu’au jour où j’ai reçu un message inattendu au travail :

– Coucou ! Dis, on mange ensemble ce midi ?

C’était ma collègue. Je n’avais pas forcément envie. Non pas que je n’avais pas envie d’être avec elle, mais j’avais surtout envie de rester isolée. Malgré tout, je me suis fait violence et j’ai dit oui. Nous nous sommes donné rendez-vous dans la petite brasserie du coin et nous avons parlé. J’ai appris qu’elle avait fait une dépression, et elle m’a suggéré d’aller voir quelqu’un car elle trouvait que j’en avais les symptômes.

 Les psy, je m’en suis farcie pendant toute mon enfance. J’en garde un très mauvais souvenir car mes rendez-vous étaient toujours le mercredi en milieu d’après-midi, lorsque j’étais en plein jeu avec mes copains d’école. De plus, les psy ne m’aidaient pas à aller mieux et à mieux comprendre ce qu’il m’arrivait. Certains se sentaient même être des super-héros et voulaient agir en passant des coups de fils aux personnes concernés pour faire le médiateur. 

J’ai longtemps hésité, puis un soir je me suis décidée. J’ai pris rendez-vous avec mon généraliste pour faire un premier bilan sur mon état et pour qu’un professionnel me confirme ou non mon état dépressif.

Bonjour Antidépresseurs

Mon généraliste m’a prescrit des anti-dépresseurs sans hésiter. Il faut dire que j’avais déjà un passif de dépression lors de ma deuxième grossesse, et que je pleurais à chaque fois que je parlais. Je n’en voulais pas mais j’étais tellement perdue que j’ai accepté ce coup de pouce chimique.

Les deux premières semaines ont été terribles. Je m’endormais n’importe quand, je ne dormais plus vraiment, je ne rêvais plus, conduire était devenu dangereux. Ce n’est qu’au bout de la troisième semaine que les effets secondaires ont commencé à être supportables.

Même si je ne m’endormais plus partout, j’avais l’impression d’avoir le cerveau paralysé. Les angoisses n’étaient plus là, j’étais moins triste mais je n’étais pas non plus heureuse. J’étais toujours un zombi mais un zombi qui ne ressentait plus rien et qui arrivait à faire sa journée de robot sans pleurer. J’ai arrêté de les prendre au bout d’un mois. Brutalement. Et la chute a été terrible.

Mes angoisses ont pris une toute autre forme. Elles étaient plus vivantes et plus présentes. Je n’étais plus moi-même. Ma vie était rythmée par les angoisses et je passais mes journées à lutter contre elles. Mes angoisses me rendaient folles et finissaient parfois à prendre possession de mon esprit et de mon corps : une petite contrariété pouvait devenir une montagne insurmontable. Les angoisses arrivaient à s’en prendre à mon corps, je pouvais me retrouver pliée en deux avec des crampes d’estomac ou m’évanouir sans réussir à reprendre possession de mon corps. Elles étaient tellement présentes que je les avais personnifiées, je pouvais voir leurs ombres lorsque je fermais les yeux. Ces angoisses se manifestaient toujours de la même façon : le rythme cardiaque qui s’accélère, difficulté respiratoire, bouffées de chaleur, le cerveau qui se fait des films beaucoup trop vites… jusqu’à avoir des idées noires.

Ces idées noires étaient présentes uniquement pendant mes crises d’angoisse. Ce n’était pas une envie de mourir parce que je trouvais la mort cool, ou parce que je trouvais la vie nulle. C’était une envie de mettre un terme à cette souffrance qui devenait insupportable et sans aucun sens. Je n’arrivais plus à supporter ces scènes d’angoisses irrationnelles qui me faisaient subir une peur terrible pendant de longues, très longues, minutes.

Soigner les causes plutôt que les symptômes

Les anti-dépresseurs, il ne fallait plus m’en parler. Pour moi, ce n’est que de la drogue légalisée qu’on te prescrit comme des bonbons, pour un oui ou pour un non. Pour le corps médical, une dépression se soigne uniquement grâce à des anti-dépresseurs. La sécurité sociale pense la même chose puisqu’elle peut t’enlever tes indemnités d’arrêt maladie si tu ne prends pas tes anti-dépresseurs. De plus, elle ne rembourse pas les séances chez le psy ou tout autre méthode qui permet de soigner autrement, et en profondeur, la dépression.

Je ne voulais pas masquer ma dépression, je voulais la soigner. Je savais que mon passif était trop important et que je devais sortir mes maux par des mots pour avancer, comprendre et accepter. Mon copain, qui souffrait de me voir comme ça et qui se sentait impuissant, a fini par prendre les choses en main car je n’étais plus capable de faire quoi que ce soit pour moi. C’est comme ça que j’ai eu mon premier rendez-vous chez une psychologue.

Malheureusement, cela ne s’est pas bien passé puisque j’avais plutôt l’impression que pendant cette séance que la psy, c’était moi. Un échec qui ne m’a pas vraiment affectée puisque je m’attendais à un scénario de ce genre.

J’ai cependant accepté une deuxième tentative avec une toute autre personne : une sophrologue. La première séance a été un soulagement pour moi, c’est à ce moment que je me suis dit : c’est bon, j’ai enfin trouvé quelqu’un qui me comprend et qui sait comment m’aider. Nous avons parlé pendant 1h30 afin de comprendre pourquoi j’étais en dépression, car oui le plus étonnant c’est qu’à ce moment là, je ne savais toujours pas pourquoi j’étais dans cet état. Il y a eu beaucoup de larmes, mais je les acceptais car je comprenais qu’elles étaient là pour nettoyer mon esprit. Nous avons ensuite terminé cette séance par une session de sophrologie.

Soigner son être intérieur

“Croire, c’est faire exister. La réalité, c’est ce qui continue d’exister lorsqu’on cesse d’y croire”

Bernard Werber

Je ressentais une grande culpabilité. Je me sentais responsable de tout. Ce sentiment, j’ai appris à vivre avec jusqu’à ce qu’il prenne plus d’ampleur avec la dépression. Dans une partie de moi-même, je savais que je n’étais pas coupable et que la plupart du temps, j’ai subi. Mais malgré tout, je n’arrivais à accepter le fait qu’il fallait que j’arrête de culpabiliser. Je devais convaincre mon inconscient que je n’étais pas coupable et que je n’étais pas une horrible personne.

Je voyais la sophrologue toutes les deux semaines, et les séances étaient rythmées de la même manière que la première même si nous avons échangé la sophrologie contre l’access-bar, qui était plus adapté à mon état. L’access-bar est une méthode qui permet de “nettoyer” le cerveau grâce à des phrases de persuasion. La guérison n’a pas été immédiate, mais j’avançais à mon rythme. Je voyais la vie différemment et je remettais en cause les normes sociales que je m’étais imposées et qui ne me correspondaient pas.

Je me suis mise à écouter et à lire sur la dépression, mais aussi sur le féminisme. Cela m’a permis de comprendre pourquoi j’en étais arrivée là, mais aussi ce qu’il fallait que je fasse pour que ça change. Dans mes découvertes, j’ai trouvé un podcast féministe qui s’appelle Les couilles sur la tables. J’ai compris que nous les femmes, nous nous soumettons seule parfois parce qu’on nous a éduqué comme cela. Cela a fait écho a mes sacrifices pour la famille, comme rester dans une ambiance professionnelle malsaine juste pour pouvoir gérer le quotidien familiale.

Faire de la dépression ma force

“Le plus tôt tu pourras intégrer le point de vue de tes ennemis, le plus tôt tu pourras bénéficier de leur enseignement. Et tes ennemis sont souvent de très bons professeurs. Il n’apparaissent pas dans ta vie par hasard.”

Bernard Werber

J’ai fini par trouver le remède à ma dépression : au lieu de la combattre, je devais essayer de me réconcilier avec elle. Tout n’est pas tout noir ou blanc, et je suis partie du principe que cela était aussi vrai pour la dépression. J’ai donc pris un cahier, et j’écrivais ce qui me passait par la tête à chaque descente vers le chaos. Je trouvais que j’étais très inspirée lorsque j’étais en pleine crise d’angoisse, et que je voyais les choses différemment. J’écrivais des mots, des phrases, je les rangeais pas thème et je réfléchissais à des airs que je pouvais mettre dessus. Je finissais donc toujours par me mettre devant mon piano en laissant mes doigts dirent à leur manière ce que mon esprit ressentait.

Cela m’a permis de reprendre ou de commencer à découvrir de nouvelles passions. Par exemple, j’ai appris à me servir du reflex en mode manuel pour être capable de prendre des photos de ma vision de la vie. Evidemment, les photos n’étaient pas forcément joyeuses, mais elles m’aident à dire ce que je n’arrivais pas à dire avec des mots. Car oui, moi et la communication, on a du mal à coopérer.

J’apprends à concevoir que ces deux années n’ont pas été perdues, qu’elles m’ont justement permis de grandir et de modifier la vision que j’avais de ma vie. J’avais surement besoin de cette terrible dépression pour aller de l’avant et pour soigner toutes les souffrances que j’avais refoulées jusqu’à présent.

Vers un nouveau départ

J’avais l’impression de me connaitre par coeur, mais cette épreuve m’a fait comprendre qu’on est parfois qu’un simple étranger. J’ai beaucoup appris sur qui j’étais et ce que je voulais.

Avoir des diplômes reconnus, un travail qui paie bien, une belle maison, un mari riche, beau et intelligent, des enfants après le mariage et une réussite professionnelle… ces critères de réussites de vie que l’on croit universels. Mais je pense que la normalité n’existe que pour se rassurer, être accepté facilement par la société et ne pas avoir besoin de se demander qui l’on est vraiment.

J’ai donc décidé de quitter mon travail qui m’épuisait moralement malgré mon investissement pour trouver une mission qui rassemblait mes compétences professionnelles et une de mes passions. J’ai aussi décidé de reprendre mes passions et de prendre plaisir à les faire. J’ai décidé de revivre en tant que personne.

Dans ma famille, comme dans beaucoup d’autres j’imagine, les histoires se sont souvent mal terminées de générations en générations. Mon père m’a dit un jour de casser cette sphère infernale pour que mes filles puissent être heureuses. Je pensais qu’en sacrifiant tout pour elles me permettrait de mettre fin à cette malédiction. Puis j’ai fini par comprendre que la meilleure chose que je puisse faire pour les rendre heureuses, c’est de leur montrer l’exemple en l’étant moi-même et en m’épanouissant selon mes valeurs.

Voilà mon prochain objectif.

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4 réflexions sur “Se libérer de la dépression maternelle”

  1. Un texte qui me parle beaucoup, surtout le début. Car moi le “non médicamenteux” ne marche pas sur moi… Hélas … Et pourtant je pense comme toi, je hais les médocs, je suis droguée par de la fausse joie en cachet (qui ne me donne pas spécialement de la joie d’ailleurs mais qui m’empêche seulement a minima de mettre mes idées noires à exécution et d’avoir des crises de panique n’importe où) je ne sais même plus dormir sans cachets… Je suis contente pour toi que tu atteignes un peu le bout, et CHAPEAU car ce n’est pas donner a tout le monde de le faire de soit même et tu peux vraiment être fière de toi !!!! J’aimerai avoir ta force d’esprit (et voilà qu’on se rabaisse encore, maudite pensées négatives). J’espère que tu auras la vie que tu rêves, non pas celles des contes de fées ARCHI FAUSSE mais celle où tu es épanouie et heureuse en étant toi même et avec ceux qui t’entourent.

  2. Mettre des mots sur les maux n’est pas chose facile. C’est une belle victoire qui ne peut que t’encourager dans cette direction.
    Ton écrit me parle. Cela plusieurs années maintenant que je travaille avec un naturopathe, une reflexiologue, un magnétiseur et un chiropracteur pour apprendre à m’affirmer, prendre confiance en moi et ne plus me laisser envahir par les problèmes familiaux… Il y a 2 mois je me suis mise à écrire, à mettre des mots sur ce que je ressentais.. Le travail est long mais il en vaut la peine! Courage à toi, bises.

  3. La collègue de travail

    En fait je pense qu’il y a méprise sur le rôle des antidépresseurs. Ils ne sont qu’un starter pour opérer un changement, passer à l’action, comme se donner la force d’entamer une démarche pour la voie de la guérison (voir un psy ou un équivalent, revoir notre fonctionnement).
    Mais comme pour une voiture de l’époque (avec starter), si vous n’accélérez pas ensuite, starter ou pas, vous n’irez nul part. Conclure alors qu’ils sont inutiles n’a pas non plus de sens car souvent, lorsque l’on met enfin un mot sur cette fatigue écrasante et ce qui va avec, on a atteint les profondeurs et juste mettre un coup d’accélérateur (sans starter) nous paraît alors juste… infaisable.
    Bref, il ne sont qu’une aide, mais en rien la solution. Et je pense que c’est une raison qui explique pourquoi les dépressions sont longues et compliquées à en sortir : le remède est nécessairement personnel, individuel, non binaire. Il commence surtout lorsque l’on veut mettre le nez dans la remise en question de notre mode de fonctionnement. Tout le monde n’a pas toujours envie au fond d’ouvrir la boîte de pandore…

    Bon courage à toi.

    Amicalement et affectueusement.

    C.

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